Gros zéro pour les lettres
par Mylène Bouchard, pour l’Association professionnelle des écrivains de la Sagamie (APES)
Le 13 mai dernier, la Conférence régionale des élus du Saguenay-Lac-St-Jean publiait la liste des artistes boursiers du Fonds d’excellence du Saguenay-Lac-St-Jean pour les arts et les lettres 2009-2010. Du même coup, cette nouvelle annonçait la fin de l’entente spécifique signée avec le Conseil des arts et des lettres du Québec au printemps 2008. Cette entente triennale visait à favoriser la reconnaissance des artistes et des écrivains dans leur communauté, à consolider les mandats et les activités d’organismes artistiques, à soutenir des projets de diffusion et de promotion et à encourager l’intégration de la relève artistique au sein d’organismes professionnels. Or, les littéraires, sous la bannière de l’Association professionnelle des écrivains de la Sagamie (APES), veulent soulever quelques questions à la suite des résultats dévoilés au mois de mai.
Mais avant, il importe de préciser que ce pamphlet a pour but de réfléchir ouvertement sur la littérature dans notre société actuelle et non pas de discréter les artistes en arts visuels, en musique, en théâtre, en danse, en arts médiatiques qui ont bénéficié, depuis 2008, du Fonds d’excellence, des gens que nous connaissons et pour qui nous vouons un profond respect. Le travail des artistes est incontestablement nécessaire. Les écrivains et les artistes vont ensemble.
Un zéro inquiétant ?
L’APES attendait impatiemment les résultats du mois de mai pour cette raison que le Fonds d’excellence, pour ses deux premières années (117 345$ en 2007-2008 et 95 762$ en 2008-2009), n’avait dispensé aucune bourse à un projet littéraire. Déjà, cela portait à s’interroger sur une telle absence de soutien. Lorsque les derniers chiffres (71 146$ en 2009-2010) nous ont été communiqués et que nous avons conclu qu’un grand total de zéro dollar de ce fonds pour les arts et les lettres irait aux lettres, il a été clair qu’il fallait faire entendre la voix des écrivains quelque part et ailleurs que dans les livres. En effet, ce zéro n’est pas sans signification. À nos yeux, il est gros. Il veut dire quelque chose. Mais quoi ?
D’abord, nous aimerions connaître la cause réelle de ce déséquilibre. Provient-il du Conseil des arts et des lettres ou des écrivains eux-mêmes ? Doit-on nécessairement sonner l’alarme lorsqu’un conseil supposé soutenir aussi bien les arts que les lettres n’en couvre qu’une partie et lorsqu’il affiche des chiffres aussi criants? Il va s’en dire qu’un zéro est bien petit aux côtés d’une somme de 284 253$ (remis aux artistes sélectionnés sur trois ans, cela sans inclure les organismes artistiques). Où sont les lettres ? D’un autre côté, peut-on se demander où sont les écrivains ? Quand vient le temps de toucher quelque fonds que ce soit, envoient-ils automatiquement leur candidature ? Tout cela est matière à réflexion et nous espérons que tout un chacun puisse se sentir concerné. Après tout, la littérature appartient à la société dans laquelle elle intervient.
Occuper le territoire
Dans L’art du roman, Virginia Woolf écrit : « Quand on songe que nous parlons tant des écrivains, qu’ils parlent tant d’eux-mêmes, c’est curieux comme nous savons peu de chose sur eux. Pourquoi sont-ils à un certain moment si nombreux, et après si rares ? »
Cette situation que nous vivons soulève des questions encore plus grandes. Par exemple, celle de la présence de la littérature dans les préoccupations humaines ou celle de la reconnaissance de la fonction incontestable de la littérature dans une structure sociale (aussi indiscutable que la médecine ou la politique, pour ne mentionner que celles-là).
Donc, réitérons la question : comment se fait-il qu’au moins un projet littéraire n’ait pas été récompensé, ne serait-ce que symboliquement ? Si le Fonds d’excellence pour les arts et les lettres n’a octroyé aucune bourse à un projet littéraire, c’est peut-être que les demandes n’étaient pas nombreuses. Toutefois, nous savons, de source sûre, qu’il y en a eu.
Ce qu’il faut maintenant, c’est dire aux écrivains de s’armer de certitude. Montrez-vous ! Soyez là où vous devez être, occupez le territoire littéraire !
Exiger davantage
Enfin, l’APES revendique qu’il y ait au moins un écrivain ou un représentant de la littérature sur les prochains jurys de fonds pour les arts et les lettres. Nous souhaitons le meilleur pour les écrivains et les artistes. Il faut voir à tout. Sans doute, cela fera-t-il dorénavant le poids dans la balance…